La touchante histoire de 4 petits réfugiés arrivés à Montreux
Nous sommes arrivés à Montreux comme réfugiés, mes deux sœurs, mon frère jumeau et moi en automne 1944. Nous avons pris avec joie notre premier chocolat chaud et des croissants.
Depuis le débarquement des alliés en Normandie le 6 juin 1944, l’espoir était revenu, mais à quel prix: que de souffrance pendant encore de longs mois. C’est le 3 octobre 1944 que l’exode des enfants de ma région (Héricourt, petite ville entre Belfort et Montbéliard) pour la Suisse ce poursuivit à raison de 60 départs par jour. Le facteur venait de passer chez nous, apportant l’autorisation de la Croix Rouge pour ce départ en Suisse. Notre Famille Dravigney comprenait 6 enfants dont seulement 4 vont partir: Yvonne 14 ans, Gisèle 9 ans, Pierre 6 ans et moi Francis aussi 6 ans. C’est le branle-bas chez nous: il faut faire vite, la petite et unique valise est prête depuis plusieurs jours. Nous partons et rejoignons la grande place de l’Hôtel de Ville, où énormément de monde est rassemblé; on pleure, on s’embrasse, puis on monte dans des camions: c’est le départ et c’est les larmes aux yeux que nous voyons s’éloigner nos chers parents…
Nous arrivons à la frontière suisse de Delle-Boncourt, où nous embarquons dans un train jusqu’à Bâle. Nous portons tous une étiquette autour du coup, subissons une visite médicale, recevons des vêtements, des chaussures et un repas dans une cantine. Nous passons une nuit à Bâle, où l’on entend des avions passer et des bombardements lointains. C’est le lendemain que nous arrivons à Montreux, ou l’on vient nous chercher: mes soeurs sont recueillies quelques jours par la famille Baridon, un dentiste de Clarens. Mon frère et moi sommes accueillis chez la famille Baillon, primeur à l’Avenue des Alpes. Puis c’est les familles Lustenberger et Banderet, habitant la rue des Anciens Moulins 23 et 23b qui nous ont accueillis, où nous avons passé notre premier Noël. Un merveilleux Noël, plein de cadeaux; nous nous lugions dans cette même rue avec mon frère… que de souvenirs de ce passage à Montreux! J’y suis retourné en 1947 ou j’ai pu côtoyer des écoliers du collège de Vernex.
Je tiens à remercier de tout cœur tous ces braves gens qui ont eu soin de nous pendant toute cette période: je ne les oublierai JAMAIS…
Francois Dravigney, Héricourt (F)
Photo: les 4 enfants à la Rue des Anciens Moulins en 1944. Photo ci-dessous: Pierre Dravigney avec M. et Mme Lustenberger en 1944.