Montreux NEWS

Retrouvez ici, toutes les infos, évènements et faits marquants de la vie montreusienne. La Commune de Montreux, célèbre dans le monde entier, se situe sur la rive est du lac Léman, bénéficiant d’un micro-climat au centre de ce que l’on appelle la Riviera vaudoise.

Paru le: 06/12/2021

Une dernière réflexion: le phénix trempé

(Quand «Singing in the rain» double malicieusement «Smoke on the water»

Il y a des jours où on aimerait renvoyer la météo comme le paquet contenant un article défectueux. La pluie est rarement la bienvenue le week-end. Parfois, elle est ironiste comme celle qui est tombée en abondance pour le cinquantième anniversaire de l’incendie du Casino. Pour un peu, la démonstration des pompiers prévue pour l’événement aurait pu mimer des exercices en cas d’inondation et non d’incendie. En cette saison, un ciel de feu, à travers des nuages sombres éclairés comme des braises, aurait pu se montrer. Ce spectacle naturel là ne s’est produit que fugacement. Pour se rendre au Casino, l’imperméable était de circonstance. Combiné au masque anti-covid, il se transforme avec sa capuche en une sorte de tenue de ninja pour bal costumé. De toute façon, chacun est habitué à jongler avec l’inattendu depuis que la carte du covid s’est surimprimée à la carte météo. En cette fin d’année, on aurait pu avoir un été indien aux couleurs du variant indien. La nouvelle bestiole invisible est finalement venue d’Afrique du Sud. On aurait pu progresser en géographie avec la carte de l’épidémie. Au lieu de ça, pour ne stigmatiser aucun pays, on réapprend l’alphabet grec avec la succession des variants. L’improbable, ça peut être tous les jours.

L’histoire de l’incendie du Casino de Montreux en 1971 est, elle aussi, emblématique du surgissement de l’improbable. Avant même que le Casino renaisse de ses cendres comme l’oiseau mythique, son histoire est devenue immortelle. Avec la matière de cette histoire, Deep Purple a ajouté une chanson “bouche trou” à un album. En fin de compte, il a tout simplement donné naissance à un classique de l’histoire du rock. 50 ans après après, la pluie tombe à Montreux. Au Casino, le promeneur contemple les joueurs alignés devant les machines à sous. De toute évidence, eux aussi attendent un événement improbable mais ils semblent avant tout désireux de faire sauter la banque, bien plus que d’y mettre le feu. Malgré ce qui tombe, ils ne sont pas rouillés. Tout compte fait, la pluie est une sorte de test, de révélateur. Ou bien on choisit de la regarder tomber de chez soi en gros chat d’appartement pour qui le confort est le meilleur parapluie. Ou bien on se dit qu’elle n’existe pas. Pourquoi changerait-elle l’humeur, l’énergie intérieure? Ce concert de Johnny Hallyday au Stade de France en 1998 est resté célèbre, quand la pluie ne l’avait pas empêché d’allumer le feu. La frustration de le voir gâché par la météo avait fini par se muer en rage. La pluie n’a pas le pouvoir d’éteindre toutes les ardeurs, loin s’en faut. Le phénix trempé n’est pas nécessairement une poule mouillée. L’incendie de 1971 reste incandescent dans les esprits par les magies conjugués du souvenir et du rock. Ardet, nec consumitur, comme le buisson biblique. L’expression latine a d’ailleurs été astucieusement chipée par une célèbre marque de bière. A croire que le buisson ardent était rock and roll avant l’heure.

L’idée est intéressante: si une journée est trop grise, c’est peut être d’abord à cause d’un manque d’ardeur. Surtout, c’est peut-être un don de savoir chanter sous la pluie avec une humeur égale voir stimulée. Le cinquantenaire de l’incendie du Casino de Montreux était assurément un jour où chacun pouvait tester la vitalité de son propre don. Un jour où on pouvait jouer dehors avec un lance-flammes plutôt qu’avec une lance à incendie, sans forcément risquer l’embrasement général.

Denis Vittel