Souvenir de la boulangerie Leutenegger.
L’écrivain montreusien Luciano Cavallini a publié sur MyMontreux.ch un conte intitulé “Le blanc pain de Madame Leutenegger” (http://mymontreux.ch/news/blanc-pain-de-madame-leutenegger/)
Cela a inspiré Pierre-André, qui nous raconte cette anecdote:
Souvenir de la boulangerie Leutenegger.
Ce samedi-là, reddition du matériel du cours de répét. Cantonnés au Collège de la gare, ma fine équipe avait passé la nuit dans un local en sous-sol où se trouvaient des instruments de musique. La nuit avait été courte et passablement arrosée. On ne laisse pas derrière soi trois semaines d’exercices et de petite guerre sans en faire le tour avant de rejoindre le foyer.
De mon côté, sous-off lance-mines responsable du matériel à son dernier cours de répétition, j’avais passé une courte nuit chez ma p’tite mère qui logeait à la Rue du Léman, juste un peu plus haut que la boulangerie Liliana et de sa charmante blonde tenancière.
Sur le coup des cinq heures du matin, je prends le chemin du Collège pour y retrouver mes gaillards et les mettre au boulot. Il ne s’agissait pas de lambiner si on voulait pouvoir terminer à midi de rendre notre matériel. Surtout qu’on devait aller à l’arsenal d’Aigle et que le personnel qui en vérifiait le bon entretien et la propreté n’était pas commode.
D’un bon pas, je remonte la Rue du Léman et, arrivé à quelques dizaines de mètres de la boulangerie Leutenegger, la bonne odeur des croissants et du pain chaud qui venaient d’être remontés de l’atelier pénètre mes narines. Presque automatiquement, mes pas me dirigent dans la direction de ces délicieuses effluves.
Pour réveiller mon équipe d’enivrés qui roupille au Collège, j’achète une douzaine de ces croissants merveilleusement dorés, moelleux et presque brûlants et je rejoins le “dortoir”. Il en émane une odeur de bétaillère et un concert de ronflement à faire trembler tous les instruments de musique sur les armoires. Le désordre qui règne ici est indescriptible, je n’en dirai donc rien.
J’aurais pu pousser un coup de gueule du genre “debout la d’dans” mais j’avais dans l’idée de laisser à ces braves un bon souvenir. Je me contentai de passer sous le nez de mes ronfleurs les sachets remplis de croissants, allant de l’un à l’autre jusqu’à ce qu’ils réalisent ce qui leur arrivait. Conquis par la bonne odeur qu’ils reniflaient à plein nez, ils émergent en se frottant les yeux et difficilement s’extraient de sous leurs couvertures.
Ainsi mis de bonne humeur et après avoir trempé leurs croissants dans l’Ovomaltine chaude préparée par les cuistots, ils se mettent au boulot sans rechigner. Belle fin de cours ma foi, joli souvenir en tout cas.
Par P.-A. sous-off mat à la Cp ld fus mont 4/8. En clair, Compagnie lourde fusillés montagne 4/8.