Sissi: une vie malheureuse – réflexion de Pâques
Une image comme celle de gauche où l’impératrice Elisabeth (“notre” Sissi) est à cheval avec son mari l’empereur François-Joseph d’Autriche et où elle se cache la face avec un éventail, ou comme ces dernières photos de sa vie, prises à Territet en compagnie de la comtesse Irma Sztatay montre bien qu’elle n’aimait pas se montrer afin d’échapper aux paparazzi qui la traquaient. (photo de droite tirée du livre “Elisabeth” de Martin Ros)
Comprendre Sissi: un certain parallèle avec la vie de la princesse Diana
Dès sa vingtième année, Sissi adopte un comportement anorexique. Issue de la famille royale de Bavière, elle mène jeune une vie plus bourgeoise qu’aristocratique à la cour de Munich. Son père est neurasthénique. De son mariage avec son cousin François-Joseph d’Autriche, elle aura quatre enfants, dont le premier à l’âge de 18 ans.
À la cour d’Autriche, la rigidité de l’étiquette est proverbiale, la fonction l’emporte sur le désir. La famille régnante doit demeurer inaccessible, au-dessus du commun des mortels, incarnant la grâce divine dont elle tient le pouvoir. Sissi vit ce monde de devoirs, cette représentation permanente, cette manie du protocole, ce déni de toute spontanéité, l’impossibilité de relations personnelles authentiques, comme la négation de son être.
La moindre de ses journées est programmée de la manière la plus formelle et le regard des autres l’emprisonne. Pauvre Sissi, jeune femme écartelée entre le modèle libéral de son père et l’emprise tyrannique de sa belle-mère qui s’étend d’ailleurs à l’éducation des deux premières enfants.
Et le malheur commence à s’abattre sur elle: elle perd, âgée de deux ans et demi seulement, sa fille Sophie: elle se sent coupable. Rejetant la nourriture comme ses contraintes, montrant en quelque sorte ce qu’elle ne saurait formuler, elle s’impose des régimes draconiens, obsédée par un poids maximum de 50 kg pour 1.72 m; elle fait établir des engins de gymnastique dans son cabinet de toilette et se lance dans d’éperdues randonnées pédestres ou équestres où elle épuise son entourage. Elle est obsédée par sa silhouette, se passionne pour la beauté physique de son sexe. Dès 25 ans, les symptômes de dénutrition sont considérés comme graves. A 32 ans, elle ne se laisse désormais plus approcher par l’objectif du photographe, assurant par là le culte de son éternelle jeunesse.
Le refus qu’exprime son corps, Sissi le manifeste également dans son militantisme en faveur de la cause hongroise, qui l’oppose tant à sa belle-mère qu’à l’empereur lui-même. En quelque sorte, l’impératrice, à défaut de prendre conscience de ses propres désirs, contribue à réaliser les revendications de justice et de liberté de Budapest.
Dès 1867, la vie de Sissi devient tragique: son beau-frère est exécuté, sa sœur aînée disparaît prématurément, son cousin sombre dans la folie et se noie, son troisième enfant se suicide en compagnie de sa maîtresse, sa sœur est brûlée vive dans l’incendie du Bazar de la Charité à Paris. Sissi éprouve significativement, le sentiment de tenir le rôle de quelqu’un «qui est déjà mort».
À 23 ans, Sissi avait quitté Vienne et François-Joseph, s’était physiquement et psychiquement retirée, pour s’adonner à d’interminables voyages à travers l’Europe, sortes d’errances qui devaient agir à la façon de tranquillisants.?L’ex-impératrice française Eugénie écrira d’elle: «C’était comme si on avait voyagé avec un fantôme, car son esprit semblait résider dans un autre monde.»
?Lorsqu’à 60 ans, se préparant à retourner à Territet, elle est poignardée à Genève, elle ne sent guère le coup et perd connaissance sans comprendre: longtemps si proche de la mort, elle ne l’aura pas reconnue.
(source: Guy Saudan, historien, Lausanne http://www.lefaitmedical.ch)