Le blog de Denis Vitel

Tout s’écoule…

Denis Vitel est pharmacien et consultant. Ayant écrit sa thèse sur le stress oxydant, il s’intéresse aux effets du temps qui passe sur le corps, mais également sur les esprits. Tout bien considéré, nul ne veut vieillir, mais tout le monde veut apprendre. Tout le monde veut rajeunir, mais chacun se méfie des effets secondaires des pilules de jouvence. L’auteur du blog habite sur les hauts de Montreux. Comme tous les Montreusiens, il apprécie tout naturellement le spectacle des jeux de la lumière, du vent et du lac.

Vous retrouverez ici, de temps à autre, ses réflexions sur le temps qui passe.

Paru le: 07/10/2020

Quid de la cuvée Covid?

Il faut demander au vendangeur masqué…

Décidément, on ne cesse partout de le répéter, cette histoire d’attitude à adopter face à la menace invisible est une affaire de cohérence. L’exercice est presque impossible pour les élus qui doivent jongler avec des protocoles très bien définis, comme avec quilles ou, plutôt, comme avec des bouteilles d’alcool pour désinfecter les mains. Et, pourtant, il faut bien composer avec les nécessités et ne pas pétrifier l’économie. Au moins le geste barrière c’est comme un bonjour, ça ne coûte rien. D’autres mesures sont bien plus coûteuses et c’est une autre histoire. Un domaine est typique de l’injonction paradoxale: celui du vin. Il ne fallait pas trop boire enfermé en avril, mais maintenant il faut bien sauver commercialement un millésime 2020 exceptionnel. La nature et la maîtrise des vignerons ont fait gonfler les raisins pendant que les portefeuilles ont fondu.

Flash back. Rappelons nous l’animal confiné face à son téléviseur, pris dans une sorte de piège d’apéro perpétuel s’il n’y prenait garde. Il ne reste à cet animal que des souvenirs plus ou moins clairs de son enfermement. Déjà, qui causait à la télé? Etait-ce Gandalf du Seigneur des Anneaux? Le Père Fouras de Fort Boyard? Le Père Noël? Le Professeur Didier Raoult? Enfin, peu importe, il avait des longs cheveux blancs et il s’exprimait avec une certaine autorité. Il y avait eu des alertes. Le confinement risquait de transformer bon nombre d’individus en gros chats d’appartement hallucinés, fusionnant avec leur canapé, avec pour seul exercice de fitness l’aller-retour avec la cave. De futurs clients pour In Vino Caritas ou pour l’Association solution hydro-alcoolique anonyme.

Aujourd’hui, l’animal depuis longtemps déconfiné entend parler de surstocks de vin, d’un excellent cru à ne pas manquer et de la nécessité peut-être inéluctuable d’arracher des vignes si ces stocks ne fondent pas. “Les suisses ont vidé leur cave”, titrait le Matin. Très certainement avec modération mais le résultat est là. Le secteur viticole a encore besoin de cette modération-là. La production de vin est cyclique, l’économie est cyclique. Plus que jamais, elle a besoin du discernement du consommateur pour qu’il choisisse la bonne bouteille, celle là et pas une autre. Si possible un produit local, quoi. Peut-être un marchand malin aura-t-il l’idée de nouer un masque chirurgical autour de son produit en guise d’étiquette pour alerter l’oeil sur une année d’exception.

On pouvait craindre que l’homo economicus ne soit plus bon à rien après avoir vidé sa cave. A contrario, on attend désormais de lui qu’il fasse repartir de plus belle la croissance du PIB pour avoir les moyens de la remplir. Ce n’est certes pas toujours facile de prendre les bonnes décisions en des temps de grande contrainte budgétaire. Et l’homo economicus volontaire pour relancer l’économie, mais inquiet sur sa consommation de vin, peut tester son discernement à sa capacité d’entendre quelque chose d’un peu différent à l’écoute de n’importe quelle annonce officielle. La vérité qu’elle soit ou non dans le vin, a un prix.  Facétieux, il pourra rétorquer à qui voudrait le renvoyer à son salon: celui qui reconfine, il paie une tournée générale.

Denis Vitel