Montreux – LE SAVIEZ-VOUS?

Cette rubrique vous renseigne sur des sujets peu ou mal connus de MONTREUX.

Paru le: 24/04/2014

On disait que Montreux avait «la maladie de la pierre».

On disait que Montreux avait «la maladie de la pierre». 
À partir de 1860, Montreux connaît un essor industriel sans précédent, avec l’inauguration de deux débarcadères, puis l’arrivée du chemin de fer Lausanne-Villeneuve (1861). Après les quelques années de crise des années 1870 débute à Montreux ce qu’on appellera “la maladie de la pierre”: construction d’orgueilleux hôtels (plus qu’à Lausanne ou Genève), développement désordonné, spontané et multiforme. En moins de 40 ans, Montreux s’est muée en ville, sans centre réel, composée d’un alignement et d’une superposition d’hôtels et de villas tournés vers le lac, afin d’assurer à sa clientèle, alors en majorité anglaise et allemande, une vue imprenable sur le Léman et les montagnes. Voir le texte complet paru en 1989 dans la revue de l’UNIL:
Avec l’ouverture de plusieurs petites pensions vers 1830, des habitants de la paroisse de Montreux posent les jalons du développement de l’infrastructure touristique qui, très vite, transformera cet ensemble de petits villages en une des plus brillantes stations mondaines de Suisse. 
Montreux comptait à cette époque deux pensions, soit moins d’une ving­taine de lits. A la veille de la Première Guerre mondiale, on dénombre plus de 80 hôtels pouvant héberger la même nuit plus de 7’000 personnes. En moins de quarante ans, Montreux s’est muée en une ville sans centre réel, composée d’un alignement et d’une superposition d’hôtels et de villas tournés vers le lac afin d’assurer à la clientèle de majorité anglaise et alle­mande la vue imprenable sur le lac et les montagnes. Des quais et des pro­menades sont aménagés, d’impres­sionnants funiculaires sont inaugurés, le Casino est construit. L’Orchestre du Kursaal, une des plus brillantes forma­tions de la «Belle Epoque», y joue quo­tidiennement.
La clémence de son climat repré­sente l’attrait principal de Montreux. Ce «microclimat» lui permet de se dis­tinguer des nombreuses autres stations helvétiques qui, elles aussi, peuvent of­frir lac et montagnes à leur clientèle. Montreux se crée de toutes pièces un environnement exotique, qui doit rap­peler qu’il y fait doux vivre, pour que les voyageurs, qui au départ ne consi­déraient Montreux que comme un relais ou comme un lieu de pèlerinage sur la route qui mène du Nord de l’Europe au Sud, s’attardent quelque peu. Ainsi, en parallèle d’une architecture vernaculaire, qui tend à se raréfier au bord du lac, se développe une végétation et un style architectural méditerranéens, conformes aux objec­tifs fixés par les hommes forts de «l’in­dustrie des étrangers», c’est-à-dire plaire au maximum d’hôtes, leur offrir tout ce qu’ils peuvent rêver trouver dans une station de villégiature en un seul lieu: Montreux se présente comme le point de convergence entre les Alpes et la Méditerranée, le site qui peut of­frir tout à la fois les sports d’hiver et les bains, un climat doux et serein mais tonique, des distractions variées qu’el­les soient frivoles ou hautement cultu­relles.
Le tourisme sera dès lors la seule vé­ritable ressource économique de cette vaste région s’étendant des bords du lac à la Dent de Jaman et aux Rochers- de-Naye. Ce développement unilatéral a été rendu possible car il était soutenu par une volonté politique très mar­quée. En effet, les promoteurs qui diri­gent peuvent en outre s’appuyer largement sur la pres­se locale (Feuille d’Avis de Montreux) qui se donne pour mission de former les populations en vue du but commun qu’est le développement de la station touristique par l’exploitation systéma­tique des étrangers en séjour. L’extrait suivant illustre la façon dont la Feuille d’Avis de Montreux remplit dans les années 1880 sa mission éducative: «Deux dames russes, Mmes H. et P., se rendaient mercredi passé en voiture aux Avants. Arrivées au contour, au-dessus du châlet Blumenthal, ces deux dames descendirent de voiture et cueil­lirent quelques narcisses dans un pré. Une paysanne, occupée près de là, vint alors invectivant de la façon la plus abominable et finit par donner à l’une d’elles un coup de pied au bas de l’échine dorsale. De pareils faits n’éta­blissent pas précisément une réputa­tion bien propre à attirer les étrangers dans notre contrée, et si une partie de la population croit pouvoir s’en pas­ser, il serait facile de leur démontrer par chiffres qu’ils en seraient eux-mêmes les premiers atteints dans leurs intérêts matériels.
Le déclin 
Malgré tous ces efforts, dès 1900, la clinquante image que Montreux a mise en place durant une trentaine d’années commence à se défraîchir. Les autoch­tones ne se reconnaissent pas vraiment dans cette contrée métamorphosée et l’étranger n’y trouve plus les hameaux, les villages dont le charme agreste avait séduit les poètes. Aux yeux des autres villes suisses, Montreux n’est plus qu’une machinerie commerciale. Consciente que sa clientèle ne vient pas seulement à Montreux pour y trouver une ambiance mondaine mais surtout pour y trouver l’illustration des clichés «suisses» communément véhiculés dans toute l’Europe, la ville anonyme tentera dès lors de se créer une âme en se construisant de toutes pièces une «tradition» destinée à rete­nir les étrangers quelques jours de plus en fin de saison, celle de la fête du printemps, la “Fête des Narcisses”: «Cette fête, ainsi que celles qu’organi­se la Société de Divertissement, sont en l’honneur de nos hôtes; elles doivent les attirer à Montreux, elles doivent les retenir à Montreux; elles doivent faire savoir au-dehors que Montreux vit de sa belle vie, qu’il offre au moins ce que d’autres stations climatériques offrent aux étrangers; elles doivent contribuer à la prospérité.»
La Fête des Narcisses emprunte ses motifs aux Fêtes des fleurs de la Riviera française mais également à des ma­nifestations aux saveurs plus rurales telles la Fête des Vignerons de Vevey ou la Fête d’Unspunnen.
1907 connaît sa dernière Fête des Narcisses d’avant la Première Guerre mondiale. Cet échec est une des illustrations de l’inadéqua­tion du pittoresque et du cosmopolite, de ce collage que les promoteurs du tourisme ont essayé de mettre en place. (Source “Uni Lausanne”, N° 61-1989, p.14 et 15,Sabine Frey et Patricia Dupont)