Le blog de VOS histoires

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Paru le: 10/11/2013

Non, je ne regrette rien

“Le temps perdu ne se rattrape guère, le temps perdu ne se rattrape plus” chantait Barbara. 
Pourtant, assis à cette terrasse en train de boire un café, je songe au temps qui s’est écoulé depuis le jour où je suis entré dans cet immeuble pour débuter ma vie active. Cinquante quatre ans plus tard, de l’endroit qui était alors le Glacier Séchaud pour ceux qui se souviennent, le film d’une vie se déroule dans ma tête. Est-ce moi qui rattrape le temps ou le temps qui me rattrape ? 
C’est la première fois que je réalise vraiment l’espace-temps qui me sépare de cet immeuble du moment présent. J’ai l’impression que c’était hier. Les décennies défilent à toute vitesse devant moi. 
Il y en a eu des moments, de toutes sortes; des bons, des moins bons et aussi des mauvais. Il y a eu les années de vie tranquille, stable et bien organisée d’un jeune homme qui faisait ses premiers pas dans le monde du travail et de la vie. Il était bosseur comme on dit et il aimait son métier. Pendant quatorze années, il fit partie d’une bonne équipe sans trop songer au futur. Son avenir semblait tout tracé et il ne se posait pas trop de questions. 
Pourtant, vint un jour où il commença à se sentir un peu à l’étroit dans son environnement. La bougeotte se mit à le tenailler à tel point qu’il changea d’horizon et s’exila sous des cieux plus tempérés. 
Les Antilles l’accueillirent pour une nouvelle tranche de vie et il s’y plût. Il y écrivit un second chapitre bien rempli qui dura quatorze autres années. Ce fût une période faste en connaissances de toutes sortes. Autres gens, autres mœurs, autre langue et autre façon de vivre l’enchantèrent et lui permirent de s’aguerrir au contact des difficultés rencontrées et surmontées. 
Puis il s’en revint au pays natal, riche d’expériences professionnelles et surtout riche d’un tas de choses qui ne s’apprennent pas dans les écoles mais sur le terrain de la vie. Il avait en quelque sorte décroché un nouveau diplôme… 
Ainsi muni et ayant plus que jamais la bougeotte, il reprit rapidement la route pour des terres inconnues. 
Dans un pays de l’immense Afrique noire, on avait besoin d’un type qu’un changement de vie radical n’effrayait pas. Il s’y retrouva rapidement à la tête d’une entreprise pour une tâche assez noble: amener l’eau potable à une population de brousse. Ce fût le chapitre le plus enrichissant de toute sa carrière et il en garde les meilleurs souvenirs qui se puissent. 
De retour sur les rives du Léman, il y coule désormais des jours tranquilles. Après quelques accrocs de santé qui n’ont pas réussi à lui saper le moral, il s’assied parfois sur cette terrasse d’où il retrace sans nostalgie les lignes d’une existence bien remplie. 
Il n’y a pas de temps perdu. Le temps laisse ses traces et nous en gardons des traces. Gardons les meilleures et jetons les autres…
Là, en ce moment je chanterais bien volontiers Piaf… “Allez venez milord” ou encore “Non, rien de rien, non je ne regrette rien”.
Pierre-André Schreiber