La verticalité comme patrimoine? La Tour d’Ivoire, par exemple…
Les 27èmes Journées européennes du patrimoine se dérouleront en Suisse les 12 et 13 septembre, sur le thème de la verticalité.
Voici le message des conservateurs(trices) du patrimoine des cantons romands:
Lever les yeux vers le ciel, descendre sous terre, monter des marches et dévaler des pentes, cette 27e édition des Journées européennes du patrimoine en Suisse romande s’annonce plus physique que jamais ! Construire en hauteur permet de voir et d’être vu afin d’affirmer son pouvoir. Perché en hauteur, on se fait mieux entendre, à l’image des clochers dont la silhouette est si caractéristique et identitaire de nos villes et villages. Emblématique d’un tel usage, le guet de la Cathédrale de Lausanne veille sur la ville et crie encore les heures tous les soirs, du haut de son beffroi. Là-haut, on s’approche du divin, comme l’avaient bien compris les bâtisseurs de cathédrales
gothiques qui excellaient dans l’art de construire toujours plus haut, élevant en même temps le regard et l’esprit et exprimant la verticalité au sens propre comme au sens figuré.
Si l’érection de barrages et de viaducs a permis de défier la topographie, les crémaillères et les téléphériques ont servi à maîtriser la pente. Depuis les sommets, n’est-ce pas l’endroit idéal d’où admirer un paysage ou observer le ciel? En profondeur, on a également su tirer parti du sous-sol, riche en ressources diverses, grâce aux puits, aux grottes ou aux mines. Relier le bas et le haut – la cave au grenier ou la ville basse au cœur de la cité – est à l’origine de la mise en œuvre de milliers de marches, parfois vertigineuses, et d’escaliers rivalisant de maîtrise et de panache.
Et puis, au cours du 20e siècle, il a fallu construire, densifier et surélever pour une population en constant accroissement. Les tours et les grands ensembles, emblématiques du boom de l’immédiat après- guerre, sont de précieux témoins du développement de nouvelles technologies et de l’évolution de notre mode de vie. Suscitant tantôt le rejet, tantôt l’admiration, certains sont aujourd’hui protégés ou en passe de le devenir. Les surélévations et les réaffectations, qui constituent un véritable défi en termes de conservation du patrimoine, permettent parfois d’accroître les surfaces habitables dans les centres historiques. Aujourd’hui plus que jamais, ces questions font débat, mettant les sites patrimoniaux, qu’ils soient bâtis ou non, sous une pression grandissante.
A l’occasion de 74 visites, les cantons romands proposent de gravir des sommets. Malgré un début d’année mouvementé et l’annulation de nombreuses manifestations culturelles, nous nous réjouissons que cet événement du mois de septembre, attendu par beaucoup d’entre vous, puisse avoir lieu. Cette édition se déroulera certes dans des conditions différentes, mais nous espérons que notre attachement à nos racines et à notre patrimoine en sortira renforcé.
Dans le canton de Vaud, on pourra visiter:
à Lausanne: les tours Haldimand, les Galeries Saint-François, la cathédrale, l’église Saint-François
à Pully: le carillon de Chantemerle
à Villette: l’aménagement de la pente
à Sottens: la station de l’émetteur
à Yverdon: le musée et le château
à Grandson: le château, l’Abbaye médiévale
Et à Montreux… la Tour d’Ivoire décrite comme suit:
La Tour d’Ivoire (1961-1969) naît dans un contexte de pénurie de logements et d’essoufflement économique. Longtemps décriée, elle est aujourd’hui le bâtiment emblématique de Montreux. Outre son audacieuse verticalité qui dessine une skyline reconnaissable entre toutes, son intérêt réside dans son unicité et sa représentativité: elle est le témoin d’une époque où prévaut la foi dans l’avenir et où les autorités locales veulent faire de Montreux un petit Monaco! Le projet compte trois bâtiments: la tour de vingt-quatre étages et deux bâtiments latéraux plus petits – soit le vaisseau amiral et ses deux frégates. Le vocabulaire nautique se retrouve dans la silhouette élancée de la tour et son sommet aux allures de mât, ainsi que dans la forme évasée des balcons des bâtiments latéraux qui suggèrent le vent dans les voiles.
Dérogations et arrangements successifs auront permis la construction de ce gratte-ciel en terres vaudoises – un tour de force qui est l’œuvre d’un seul homme, Hugo Buscaglia, qui en fut le financier, l’ingénieur, l’architecte puis le promoteur. L’homme est l’incarnation du génie moderne: il construit un bâtiment antisismique, résistant aux tornades, écologique avant l’heure, et rentable grâce à la répartition de quatre appartements par étage selon la «formule magique»: un appartement de deux pièces, deux appartements de trois pièces et un appartement de quatre pièces. L’appartement-témoin que nous vous invitons à découvrir avec le mobilier d’origine est resté intact et pratiquement inhabité depuis 1969 – année de mise en vente des appartements.
Que d’éloges… Nous on veut bien mais, qu’en pensent les Montreusiens?
Les visites ont été adaptées aux exigences sanitaires en vigueur. Par conséquent, réservation obligatoire jusqu’au 9 septembre sur www.jep-vd-reservation.ch
Le rendez-vous est fixé devant l’entrée côté Villeneuve de la Tour. Visites guidées par Patrick Moser, historien de l’art (et Conservateur de la Villa «Le Lac» de Le Corbusier) et Laura Weber, historienne de l’art
