La nature a horreur du vide. Le touriste aussi.
Il y a quelques mois, France Culture a rediffusé de longs enregistrements datant de 1988, réalisés pour évoquer Vladimir Nabokov à Montreux.
L’auditeur suffisamment intéressé – ou insomniaque – peut s’immerger pendant près de deux heures et demie de témoignages portant sur la vie de l’écrivain au bord du lac Léman.
On apprend notamment que c’est le succès de “Lolita” qui a permis à Nabokov de s’affranchir de la plupart des contraintes matérielles pour s’installer au Montreux Palace et chasser les papillons dans la région.
Dans le documentaire «Un enchanteur à Montreux», on peut entendre que “le tourisme est venu remplir les vides entre les villages”sur les coteaux à la fin du 19ème siècle.
Pour modifier la géographie politique et aider des communes à fusionner, il suffirait donc d’y envoyer les grands troupeaux omnivores de voyageurs curieux…
Cet été, beaucoup de Montreusiens vont se muer, à leur tour, en touristes et contribuer à intensifier la circulation et la bétonnisation… ailleurs. Le tourisme de masse n’a pas forcément bonne réputation. À Barcelone, on n’en veut plus. À Bordeaux, des autocollants “Parisien, rentre chez toi” avaient fait leur apparition l’année dernière, comme pour bien marquer le succès de la campagne de pub vantant les charmes de la ville. Malgré tout, un touriste ne contribue pas forcément à remplir les vides, autour de lui, uniquement avec du béton et des déchets. Si le Montreusien perçoit de l’agacement autour de lui cet été, dans sa ville ou dans celles qu’il visitera, il pourra hausser les épaules en pensant à l’histoire. Parmi les voyageurs en tenue légère parfois comparés à des essaims
de criquets, il peut y avoir des artistes chasseurs de papillons plus sédentaires. Sait-on jamais?
Denis Vitel