J’ai rencontré Queen et Polnareff
J’ai acheté ce 33 tours en juillet 1978 en Italie où j’étais en vacances avec mes parents. Une amie de mes parents avait loué son appartement de Blonay aux quatre membres du groupe Queen.
C’était un appartement assez fou, créé par l’architecte d’intérieur montreusien Alain Krieger. Pas un seul mur droit, que des formes arrondies, y compris la cheminée!
J’avais donc demandé à cette amie, Julianne Bapst, aujourd’hui malheureusement décédée, de faire dédicacer mon disque à ces quatre chevelus qui commençaient à devenir célèbres. Ce qui n’avait pas empêché, paraît-il, le service de sécurité du Casino de leur refuser l’entrée à la discothèque “Blue Jeans” en raison de leur apparence! Aucune basket n’était autorisée sous le règne viril et discipliné du directeur Bischofberger…
“We are the champions” et “We will rock you” faisaient déjà un tabac sur les ondes, et j’avais déjà adoré “A night a the opera“, le chef-d’oeuvre absolu de Queen à mon humble avis.
A cette époque, Queen enregistrait son disque “Jazz” au Casino, dans son studio malheureusement sacrifié par le Casino Barrière. Dire qu’on aurait pu transformer ce lieu mythique en bar unique en son genre!
Dire aussi que la Bavaria, où mon père avait emmené Mistinguett à la fin des années 40, et qui a accueilli tout le gratin artistique des 100 dernières années, a aussi été victime des bulldozers de promoteurs sans scrupules soutenus par des autorités complices! Partout ailleurs on aurait fait des musées vivants de ces lieux “culte”, qui auraient attiré des hordes de touristes. À Montreux, on préfère construire des tours de luxe condamnées à être désertes onze mois sur douze, les riches propriétaires d’appartements vendus à prix d’or daignant parfois venir les faire aérer pendant trois semaines en été… Alors que les enfants de Montreux en sont réduits à émigrer dans le Chablais ou dans la campagne fribourgeoise pour trouver des logements abordables!
J’ai vu que le site montreuxmusic comporte un chapitre sur les musiciens célèbres ayant un lien avec Montreux. Il me semble qu’il en manque beaucoup, parmi lesquels Michel Polnareff. Il était également ami de Julianne, et j’ai eu un jour la surprise, en 1977, rentrant de l’école, de trouver le chanteur dans le salon de mes parents. Avec sa tignasse frisée, ses inamovibles lunettes, un débardeur et une veste en mouton retourné. Il m’a raconté ses vacances aux Caraïbes. Michel logeait à l’Hôtel Eden au Lac où il composait un album (“Coucou me revoilou” si je ne m’abuse) sur un piano à queue disposé dans sa suite. Il venait d’avoir un immense succès avec sa chanson “Lettre à France”, et tentait un come-back après s’être exilé en Californie.
Je l’ai vu plusieurs fois, notamment à l’occasion d’une raclette dans notre cave à vin de Pallens, et une autre au restaurant “Les Fougères” à L’Alliaz. J’étais avec mon père, lui avec le compositeur Claude Lemesle. Nous avions parlé du dernier album de Jacques Brel, “Les Marquises”, qui venait de sortir. A quinze ans, je mesurais déjà le privilège que j’avais. Il avait loué des gants et chaussures chauffants chez Bornand-Sports, de peur d’avoir froid aux Pléiades en février. Il se croyait au Pôle Nord !
Christian Guhl