Le blog de Denis Vitel

Tout s’écoule…

Denis Vitel est pharmacien et consultant. Ayant écrit sa thèse sur le stress oxydant, il s’intéresse aux effets du temps qui passe sur le corps, mais également sur les esprits. Tout bien considéré, nul ne veut vieillir, mais tout le monde veut apprendre. Tout le monde veut rajeunir, mais chacun se méfie des effets secondaires des pilules de jouvence. L’auteur du blog habite sur les hauts de Montreux. Comme tous les Montreusiens, il apprécie tout naturellement le spectacle des jeux de la lumière, du vent et du lac.

Vous retrouverez ici, de temps à autre, ses réflexions sur le temps qui passe.

Paru le: 13/06/2020

Interrogation écrite post-confinement

Qu’avons-nous appris en trois mois?

Interrogation écrite post-confinement

L‘animal confiné, furetant chez lui un peu comme un rongeur, a redécouvert une foule d’objets posés sur ses étagères. Un monde familier, à la fois là et pas là, dans l’angle mort du quotidien. Cousteau parlait du Monde du silence. Nous avons aussi à la maison un monde silencieux. Subitement, les placards et les espaces de rangement ont été scrutés comme jamais, pour manger, pour se divertir, pour passer le temps quoi. Assigné à résidence, j’ai exhumé de vieux livres et des cours de philosophie jaunis. Il y avait par exemple le Crépuscule des Idoles de Nietzsche. Lecture certes crépusculaire. Groupusculaire même pour ses détracteurs. On pouvait y lire: “Pour vivre seul, il faut être une bête, ou un dieu, dit Aristote. Reste un troisième cas : il faut être les deux à la fois… philosophe”. Maintenant, nous avons une quatrième option: cette condition de confiné qui a forcé beaucoup à parfaire chez eux leur solitude comme on taille un diamant, comme le dit le philosophe quelque part entre animalité et divinité.

On pouvait penser à des tas de choses quand on n’avait pas – ou pas trop – le droit de sortir. A la nature, par exemple aux marmottes traumatisées de ne plus voir les humains les regarder sortir de leur trou comme chaque année. Plus modestement, dans nos petits écosystèmes domestiques, des araignées ou autres bestioles improbables ont été dérangées, aux fond des placards de cuisine, par des mains bien plus intéressées et, peut-être, bien plus avides que d’ordinaire.

Les libraires ont pu se sentir délaissés quand ils n’ont pas été mis sur le même pied d’égalité que les magasins d’alimentation. Les pouvoirs publics ont pensé aux pépiniéristes, aux magasins de bricolage, aux salons de coiffures avant eux. S’il fallait remettre ça encore deux mois en attendant un vaccin, autant être facétieux en fusionnant les grandes surfaces et les librairies. Il suffirait par exemple de scotcher un livre avec un paquet de spaghetti pour forcer une sorte d’achat composite. On pourrait même demander au Département de la formation de mettre à disposition du public des quiz en ligne pour éviter que les esprits baignant dans l’aquarium de leur home en viennent à s’abîmer dans une stagnation totale. Intellectuellement, la solitude n’est à souhaiter ni trop dure, ni trop ramollissante. Ainsi il faut cuisiner les nouilles: al dente.

Denis Vitel