Montreux – LE SAVIEZ-VOUS?

Cette rubrique vous renseigne sur des sujets peu ou mal connus de MONTREUX.

Paru le: 24/11/2016

Il y a 250 millions d’années, le Lac Léman n’existait pas…

Il y a deux cent cinquante millions d’années, le lac Léman et son magnifique ourlet de montagnes n’existaient tout simplement pas!
En ce temps là, l’Europe, l’Afrique, l’Amérique et l’Inde ne formaient qu’une seule et même terre émergée.

Un point minuscule, perdu quelque part sur l’horizon de ce continent gigantesque: la Suisse Romande et la Savoie couvertes d’une forêt primitive, spongieuse, exubérante et peuplée, notamment, de grands reptiles dont on retrouve parfois quelques traces imprimées dans de la vase pétrifiée.

Mais comme toujours, la nature évolue. Le climat se réchauffe et surtout le continent se casse en plusieurs morceaux séparés les uns des autres par “la mer de Téthys”. C’est une mer immense qui s’étend jusqu’aux Indes, jusqu’à l’Himalaya et ses fonds ne cessent d’onduler sous l’effet des bouillonnements qui brassent les tréfonds du globe et sont le moteur de “la tectonique des plaques”. A certaines époques, des îles émergent brièvement en Suisse et en Savoie. Des petites îles de terre rouge, frangées de corail et de lagons verts. Le climat est provisoirement devenu tropical. Puis, elles disparaissent à nouveau, englouties sous les vagues pour d’autres millions d’années.

Pendant ce temps, des sédiments s’entassent lentement sur le fond de la mer de Téthys. Ce sont les résidus de la vie et de la mort dans l’eau. Une couche qui s’épaissit de un à dix centimètres par millénaire… mille à dix milles mètres d’épaisseur par cent millions d’années. Ces énormes couches de sédiments sont la matière première des futures Préalpes lémaniques. C’est aussi un extraordinaire cimetière marin contenant des quantités incroyables de cadavres d’animaux fossilisés. L’effrayant chaos qui règne à l’intérieur de la planète est inimaginable: des températures inhumaines, des bouillonnements monstrueux, des digestions colossales, des tourbillons infiniment lents et puissants animés par des surpressions diaboliques. Des explosions liquides dans un ralenti de millions d’années et dans une chaleur de milliers de degrés.

Comment imaginer que les humains, si ingénieux d’habitude, pourraient un jour manquer d’énergie? Elle est là, sous leurs pieds, inépuisable et capable de bousculer des continents entiers.

Seule la fine croûte superficielle est rafraichie et solidifiée. Mais ce n’est qu’une peau très fragile, flottant comme un iceberg sur un enfer. Et cette peau va se déchirer, dériver et s’entrechoquer. Si cette monstrueuse collision de continents a pu donner naissance aux reliefs alpins, c’est que la densité des couches superficielles est plus faible que celle des couches inférieures. Ne pouvant s’enfoncer, les couches plus légères se chevauchent et s’accumulent les unes sur les autres, en relief.

Si la masse des sédiments marins de la mer de Téthys a pu se déplacer, par-dessus l’Europe et sur plus de 150 kilomètres vers le nord-ouest, c’est que ces dépôts reposent sur le dos de plaques tectoniques en mouvement. Ils se sont aussi écoulés, par simple gravité, sur les pentes des massifs cristallins en surrection.

Cela peut paraître incroyable, mais c’est que la durée des temps géologiques est immense. La compréhension que nous avons de nos paysages familiers est celle d’un insecte dont la durée de vie serait limitée à quelques fractions de secondes. En observant des vagues qui se froissent sur une plage, le malheureux animal les croirait immobiles. En admirant nos montagnes nous commettons la même erreur!
A l’avant des masses sédimentaires en mouvement, s’étend une vaste zone de pénéplaine ruisselante d’eau douce. Ici, au grès des rivières, ruisseaux et petits étangs, se dépose la fameuse molasse, dont on a fait la cathédrale de Lausanne, et le flysch encore plus ductile. Ensemble, ils ont joué le rôle de lubrifiant en se glissant entre l’énorme masse des Préalpes et le vieux socle autochtone.

En s’approchant des positions qu’elles occupent actuellement, les montagnes peuvent provoquer des affaissements. Or, le socle sur lequel elles glissent n’est pas homogène. Il résiste plus ou moins bien au surpoids. La rive savoyarde du Rhône s’affaisse d’environ 600 mètres. C’est la naissance de la cuvette lémanique.

La rive droite, en revanche, résiste mieux, ce qui préserve le Plateau Suisse. En amont, cette cuvette est précédée par la vallée du Rhône qui, elle, est une énorme déchirure. En s’écoulant sur les flancs de granit, la couverture sédimentaire s’est cassée, en deux vastes ensembles indépendants l’un de l’autre. Au nord, les Préalpes romandes, au sud les Préalpes françaises, entre les deux, la vallée du Rhône depuis Martigny.
Détail curieux, on trouve, entre les lèvres de cette déchirure, quelques écailles détachées et restées en arrière. C’est le cas, par exemple, de la charmante petite colline de St Triphon, aujourd’hui couverte de vignes et d’ombrages. Elle est si calme qu’on y entendrait ronronner les chats.

A l’origine, cette colline était une assez grosse proéminence de la vaste déchirure rhodanienne. Entraînée, depuis Dieu sait où, par sa montagne mère, elle s’est tellement frottée sur le fond de la vallée qu’elle s’est cassée et s’en est détachée. Ses derniers liens avec la montagne en mouvement l’ont bousculée et couchée sur le flanc comme l’épave d’un navire englouti.

Source: Olivier Gonet, Dr. ès sciences