Elisée RECLUS (1830-1905) Géographe et anarchiste
Notes biographiques
Le père d’Elisée Reclus, pasteur wesleyen très rigoriste, était plus riche d’enfants que de biens. Pourtant, grâce à une mère admirable, cinq de ses treize enfants ont conquis leur place dans les pages du Grand Larousse!
Elisée échappa à la pauvreté du foyer en étant élevé quelques années par ses grands-parents. Il étudie à Berlin, sous la houlette du grand géographe Karl Ritter. A son retour, il proteste violemment avec son frère aîné Elie contre le coup d’Etat de Napoléon III, ce qui les condamne à l’exil. Devenu un théoricien de l’anarchisme, Elisée récidive en 1870 en participant à la Commune de Paris, ce qui lui vaut cette fois une condamnation au bagne, commuée, grâce à ses amis, en expulsion de France.
C’est les menottes aux mains qu’il franchit la frontière suisse, alors accueillante aux proscrits. Après avoir vécu au Tessin, puis à Vevey, Reclus bâtit en 1879 une maison à Montreux-Clarens qui devient une étape inévitable de l’errance des anarchistes. Les avatars politiques n’ont pas empêché ce grand marcheur de visiter l’Amérique du Nord au moment de la Guerre de Sécession, puis la région de Panama. Il accumule les observations et échafaude les théories qui feront de lui un géographe novateur. C’est à Clarens, entre 1879 et 1890, qu’il rédige une part importante de son oeuvre maîtresse «La Nouvelle Géographie Universelle», en collaboration avec son frère Onésime et son ami Léon Metchnikoff, grand voyageur lui aussi, mort à Clarens en 1886.
Reclus basait son anarchisme sur une vision si généreuse et si optimiste de la nature de l’homme qu’elle paraît aujourd’hui naïve à nos esprits désabusés. Comme beaucoup de ses contemporains, il était habité par le rêve d’un progrès moral et social continu.
«Les riches visiteurs étrangers, Anglais, Russes, Américains, Français, ont également fait la prospérité des villes d’hôtels, Montreux, Clarens, Vevey, qui formeront bientôt une cité continue sur la rive septentrionale du Léman, en face de la bouche du Rhône valaisan.(…); par leur population cosmopolite, Montreux et Vevey sont devenus la propriété du genre humain» [in «Nouvelle Géographie universelle»]
«Races et peuplades diverses ne se sont point encore reconnues comme soeurs; mais elles se rapprochent de plus en plus; chaque jour, elles s’aiment davantage et, de concert, elles commencent à regarder vers un idéal commun de justice et de liberté. Les peuples, devenus intelligents, apprendront certainement à s’associer en une fédération libre: l’humanité, jusqu’ici divisée en courants distincts, ne sera plus qu’un seul fleuve, et, réunis en un seul flot, nous descendrons ensemble vers la grande mer où toutes les vies vont se perdre et se renouveler.» [in «Histoire d’un Ruisseau»]