Coronavirus, je te hais. Et je t’aime
Coronavirus, je te hais.
Tu nous as pris par surprise, salaud. En commençant ton périple du côté de Xi Jinping, tu savais que tu aurais rapidement une célébrité mondiale, terrestre. Là-bas, ils t’ont founi le piédestal nécessaire à ta renommée. En ordonnant des mesures contre toi, impensables chez nous. Qui nous ont fait sourire d’abord, frémir ensuite. Admirer enfin.
Il fallait que tu subisses les fourches caudines chinoises pour que tous les réseaux sociaux, tous les tabloïdes, tous les media parlent de toi. Avec crainte d’abord, stupeur ensuite. Puis terreur. Tu nous as mis dans une sacrée panade, dont nous ne mesurons pas encore tous les néfastes effets. Tu nous as terrassés, humiliés, affolés. Tu as encouragé la dénonciation, la peur, la culpabilité. Tu nous as mis dans un moule commun. Tu nous as fait perdre nos individualités sous des masques. Et quand tu as suivi la Route de la Soie pour t’infiltrer subrepticement chez nous, tu savais que le terreau était prêt. L’Italie, berceau de la civilisation occidentale, qui a reconduit les déviances communisto-facistes qui t’avaient étouffées en Chine et qui ont laissé passer leurs futiles frontières.
Et puis, je te remercie.
Expérience du prologue de tes exploits une fois passée, je te déteste pour le mal que tu nous as fait. Mais en remettant en question nos relations, nos conditions sociales, notre économie et – plus subtilement – nos relations avec autrui, tu nous as ouvert l’esprit. Et notre façon d’être avec les autres. Aurons-nous compris que les restrictions que tu nous as imposées peuvent être une chance pour une nouvelle solidarité. Il y a bien longtemps que nous n’étions plus conscients de la disponibilité du personnel hospitalier. De l’utilité des mots de gentillesse. Des possibles privations. Et les gestes altruistes qui ont émaillé les mesures prises, ont commencé à ressouder les voisins. C’est un vieux truc: l’ennemi extérieur renforce la cohésion intérieure. On apprend les différences de jugement des jeunes et des plus âgés. On découvre la précarité des marchés boursiers, de la production de richesse. Lorsque l’hystérie collective sera terminée, le boulanger paiera son blé plus cher et avec moins d’argent, mais avec une notoriété retrouvée. Tu nous auras fait redécouvrir la simplicité, la possibilité de travailler et d’enseigner à distance. Nous en sortirons endettés, certes, mais encouragés à trouver de nouvelles voies avec plus de créativité. Nous en serons plus forts. Le croyais-tu possible, salaud?
