Le blog de Denis Vitel

Tout s’écoule…

Denis Vitel est pharmacien et consultant. Ayant écrit sa thèse sur le stress oxydant, il s’intéresse aux effets du temps qui passe sur le corps, mais également sur les esprits. Tout bien considéré, nul ne veut vieillir, mais tout le monde veut apprendre. Tout le monde veut rajeunir, mais chacun se méfie des effets secondaires des pilules de jouvence. L’auteur du blog habite sur les hauts de Montreux. Comme tous les Montreusiens, il apprécie tout naturellement le spectacle des jeux de la lumière, du vent et du lac.

Vous retrouverez ici, de temps à autre, ses réflexions sur le temps qui passe.

Paru le: 05/07/2018

Avoir la musique dans le sang… Avoir la musique dans ses gènes, chiche ?

Les lecteurs du dernier Matin Dimanche on pu apprendre que l’on peut théoriquement stocker l’ensemble des enregistrements du Montreux Jazz Festival dans un volume comparable à un grain de sable. La double hélice d’ADN est décrite, depuis quelques années, comme le disque dur du futur. Le patrimoine musical, comme tout patrimoine numérisable, peut-être inscrit dans des séquences de code génétique en lieu et place de la mémoire classiquement utilisée par nos ordinateurs.

Le principe consiste à associer le « 0 » ou le « 1 » du codage informatique avec les molécules constitutives de l’ADN « A, T, C, G ». Ces lettres, du reste, servent à composer le titre du film d’anticipation « Gattaca », qui imagine une société dans laquelle les défauts génétiques de l’homme sont traqués. Homo sapiens a plus de 99 % de son patrimoine génétique en commun avec le chimpanzé, plus de 70 % avec l’oursin, ce qui est piquant à évoquer au moment de se diriger en masse vers les plages. L’ADN est le code du vivant, mais il peut servir à encoder à peu près n’importe quoi. On aime volontiers le comparer à un « Lego du vivant », comme si la nature avait joué avec, jusqu’à ce que l’on puisse jouer avec.

Aujourd’hui, deux chansons (« Smoke on the water » et « Tutu ») sont encodées, avec une pureté parfaite nous dit-on, dans des séquences d’ADN. Dans les décennies à venir, les cliniques de Montreux proposeront-elles aux festivaliers de transférer dans leurs cellules les morceaux de leur groupe préférés, qu’ils pourraient écouter au moyen d’un lecteur adapté ? Ces nouveaux transfusés auraient la musique dans la peau, mais au sens propre. On peut imaginer des fans facétieux des Eagles désireux d’ajouter la musique de leur groupe à des séquences d’ADN d’aigle. Des admirateurs de Cage the Elephant pourraient vouloir faire de même avec de l’ADN d’éléphant. Pourquoi un jour les enregistrements complets d’Iggy Pop ne seraient-ils pas commercialisés combinés avec de l’ADN d’iguane ?

Imaginons encore une civilisation future qui trouvera, après un cycle de réchauffement/refroidissement de la planète, un drôle d’objet qui, décodé, se mettra à chanter « le Moribond » avec la voix de Jacques Brel…

 

Denis Vitel