Ardeshir Zahedi, ministre du Shah

Entre Montreux et Chillon, la «Villa des Roses»* à Veytaux est une enclave persane au bord du Léman. C’est là que vit encore l’ex-ministre des affaires étrangères du dernier Shah d’Iran, qui fut ambassadeur d’Iran à Washington et à Londres.

Ardeshir Zahedi a hérité de cette maison achetée par son père, le Général Zahedi, qui fut le Premier ministre d’Iran de 1953 à 1955, ambassadeur auprès des Nations Unies à Genève avant son décès à Montreux en 1963.

Comme ministre des Affaires étrangères, il a connu le président Nixon, Bill Clinton, le Shah et la Shabanou tout comme Liza Minelli. Ce séduisant diplomate a fait chavirer le cœur des plus belles et des plus célèbres: Liz Taylor et Jackie Onassis se disputaient même ses faveurs. Il a aussi fréquenté Charlie Chaplin à Corsier.

A la fois ex-gendre et proche confident du Shah, Ardeshir Zahedi parle du «roi des rois» en utilisant la formule «my beloved king» (mon roi bien aimé). Il était à ses côtés quand le souverain iranien est décédé en 1980, exilé sur le sol cairote où il repose encore dans une mosquée.

Si Ardeshir Zahedi a bien connu le Shah dont il a été l’un des plus proches confidents durant un quart de siècle, c’est qu’il a commencé par épouser sa fille aînée, la princesse Shahnaz Pahlavi, née d’un premier mariage du Shah. Avec son épouse égyptienne, les Zahedi ont eu une fille, la princesse Mahnaz qui vit aussi sur les bords du Léman.

Le Shah avait épousé en premières noces la princesse Fawzia, sœur du roi Farouk d’Egypte, avant de se remarier avec Soraya, qu’il répudiera faute de descendance en 1958, puis d’épouser Farah Diba, la dernière Impératrice d’Iran.

Ambassadeur d’Iran à Washington à deux reprises, Son Excellence Zahedi y donnait des fêtes somptueuses où se mêlaient le monde de la politique et du showbiz, le caviar et le champagne. Il y a côtoyé plusieurs occupants de la Maison-Blanche, d’Eisenhower à Bill Clinton, y compris Jimmy Carter dont l’administration lâchera le Shah au moment décisif, envisageant même de le livrer à l’ayatollah Khomeiny en échange des otages américains capturés à l’ambassade de Téhéran.

Mais il suit à distance les (r)évolutions de son pays, y compris le récent lancement d’un satellite iranien: «Je suis fier du potentiel du peuple iranien», s’exclame celui qui est détenteur – à défaut de passeport islamiste – de trois passeports diplomatiques arabes: le jordanien, le marocain et l’égyptien.

Pour sa fille, la princesse Mahnaz (40 ans) qui a grandi au bord du Léman, il a déposé une requête à Berne pour obtenir le passeport helvétique en même temps que la bourgeoisie de Montreux. Et il fréquente assidument les galas de charité de Genève à Gstaad en passant par Crans-Montana et Lausanne, où sa prodigalité est réputée: «Il faut rendre un peu de ce que l’on a reçu.»

Zahedi défend avec passion l’image du dernier Shah: «Ce n’était pas un homme arrogant, mais il était très timide. J’ai travaillé avec lui et l’ai parfois contredit, mais quand il savait que vous aviez raison, il l’acceptait. C’était la mentalité d’un homme qui avait bénéficié d’une éducation suisse avide de principes démocratiques, la mentalité d’un Européen et d’un francophone épris de culture française. Il aimait l’Occident et la Suisse, le pays qui l’a construit. C’était tout à la fois mon ami, mon roi et mon patron…».

Il défend aussi l’extravagante Fête donnée à Persepolis en 1971, pour fêter les 2’500 ans de l’Iran. Avec souverains, premiers minitres et tout le gottha politique du monde.

Ardeshir Zahedi n’est pas tendre avec les principaux acteurs de la chute du dernier Shah: il estime que le président américain Carter, le président français Giscard d’Estaing et la BBC ont été les alliés les plus sûrs de l’ayatollah Khomeiny au moment où il prêchait la révolution depuis Neauphle-le-Château

* La «Villa des Roses», c’est également le nom de la demeure qui a abrité le Shah lors de son exil mexicain à Cuernavaca, avant de terminer ses jours au Caire, où Sadate fut le seul chef d’Etat à ne pas renier l’ancien maître de Persepolis. Un geste qui lui coûta la vie.