Ibtissem Bonvin, Montreusienne écrivain, essayiste et scénariste.
Ibtissem Bonvin est tunisienne. Elle habite Montreux depuis 5 ans. Femme émancipée, elle se bat pour le respect des libertés individuelles – notamment des femmes – bafouées dans son pays d’origine en guerre, où la femme vit, comme elle le dit, «l’illusion de la liberté».
Essayiste et scénariste, elle a été l’une des lauréates en 2014 et 2015 du concours de la francophonie de France-Musique pour l’émission “Les Contes du Jour et de la Nuit”; elle cherche aujourd’hui à promouvoir avec ardeur la culture tunisienne, en en faisant la promotion, par exemple au MAG ou à la Biennale de Montreux.
Dans ce poème, elle parle poétiquement de la vieille ville de Tunis qui tombe en ruine:
Buvons un café avec un peu de Zhar ?
Adossée contre le mur de sa maison, je ne me suis pas rendue compte,
que des graines de sable tombaient doucement, sans bruit,
qu’un flux coulait derrière mon dos,
qu’un mélange de poussière blanche et couleur miel,
avaient envahi mes chaussures…
Oui, adossée contre le mur de sa maison…
Mon amie habite une Zanka,
une ruelle du vieux Tunis.
Ces gens qui n’ont jamais quitté le pays.
Ces gens qui ne connaissent rien d’autre depuis des décennies,
que les couleurs des rangées et étagères de chez l’épicier.
Les couleurs rouges écœurantes, et de mauvaise qualité de chez le boucher !
Ces tasses en plastique, venues d’ailleurs, bourrées d’hormones dangereuses !
Mais qui s’en soucie ?
Adossée contre le mur de sa maison, mon amie me sourit.
Son regard tendre et sans malice,
me dit combien l’amour vibre dans ces rues.
Une voisine passe, me dit «Salem !» Et continue son chemin…
Mais c’est quand même sympa dire «Salem !»
Dans certaines rues, on oublie de dire « Bonjour, comment vas-tu ?»
Ma main s’est appuyée contre la pierre.
Mon Dieu ! Que c’est froid !
Je me retourne, et vois le fossé qui s’est creusé,
en quelques minutes, juste quelques minutes !
Mon corps adossé contre ce mur, a gratté la blessure du temps…
Je m’en excuse auprès de mon amie, un peu gênée…
Elle me sourit et me dit :
«Ne t’en fais pas !
Ce n’est pas si grave !
Mon fils ira chercher un peu de chaux, un peu de sable et arrangera tout.
Tu sais, c’est surtout l’hiver que nous avons peur pour les murs…
Viens. Rentrons et buvons un café avec un peu de Zhar ?»
Ibtissem Bonvin
Dans l’autre extrait que nous publions ci-dessous, elle évoque la difficulté d’un couple de jeunes amoureux pour vivre sa passion dans son pays. Elle y parle du café Sidi Chabaan, le fameux “Café des Délices” chanté par Patrick Bruel (ndlr).