La petite histoire d’un prénom: Wilhelm, Wilhelm-August, Willy ou William?
L’histoire de mon prénom est un peu longue, mais amusante comme un taxi. Mon père était concierge dans un hôtel lausannois. Les affaires étaient difficiles à son époque (1920-27): sa clientèle était maigre. Mais ses bonnes connaissances en français, en allemand et en anglais, lui ont permis de conduire de nombreux clients hors Lausanne et il obtint ainsi une concession de taxi à Montreux, à la Place de la gare, un emplacement de choix. Toute la famille le suivit. Après la mort de sa femme, mon père conduisit les attelages de bière Feldschlössen et eut la faveur des grands hôtels montreusiens. Il était jalousé comme premier du canton à avoir passé son permis de conducteur de taxis. Remarié à une Suisse-allemande pure souche, je nais de cette union en 1933. Un client de l’Excelsior lui proposa alors comme prénom pour moi: Wilhelm, qui fut adopté de suite. Mais la guerre éclate, mon père est mobilisé, ma mère et moi restons seuls.
Fin de la guerre, je rejoins l’école primaire où le nom de Wilhelm à consonance germanique, voir «Nazi», n’était pas bien vu. Mes parents adoptent alors le nom de Willy. Après des cours d’administration, l’un des clients anglais de mon père lui proposa de m’embarquer dans l’Orient-Express pour Londres, afin d’y apprendre l’anglais. J’y suis resté 1 année. De retour, j’aidais mon père dans son entreprise, lavais et entretenais les véhicules et le bureau.
J’ai passé mon permis quelques jours avant mes 18 ans: premier accident à Fontanivent, non fautif heureusement, d’où le grand étonnement du Chef de la police Montreusienne à cette époque, M. Maurice Gaudard. C’est en effet lui qui faisait tous les relevés et constats.
-“Vous n’avez pas encore vos 18 ans révolus?” il n’en revenait pas, mais la loi me l’y autorisait.
Après mon mariage, jai obtenu mon permis professionel et jai commencé à transférer des clients entre la gare et les hôtels, jusqu’à Genève. Mes premiers clients américains m’ont appellé d’emblée William, d’où le nom de mon entreprise William’s Limousines Service durant plus de 40 ans.
Mais la petite histoire de mon prénom n’est pas terminée: j’ai du accepter un nouveau prénom sur mon passeport Wilhelm-August afin d’éviter toute confusion. Mais au départ d’un transfert de clients américains, la gendarmerie se présenta à mon garage pour me séquestrer mes plaques d’immatriculation, car je n’avais soit-disant pas payé mes impôts routiers. D’un entretien avec la Blécherette, il ressortit qu’il n’y a aucun payement ni de Wilhelm ni de William, deux personnes considérées comme différentes.
En résumé, voilà un prénom qui m’a fait voyager…
Wilhelm Thommen, taxi à Montreux