Léon TOLSTOÏ (1828-1910) Ecrivain russe
Notes biographiques
Ce fils de riches propriétaires, très tôt orphelin, est élevé par des précepteurs, dont l’un est français. Pendant ses études, ses pensées et ses loisirs sont surtout occupés par le plaisir et par le jeu. Puis il tente sur ses terres de Iasnaïa Poliana, mais sans grand succès, d’améliorer la condition des moujiks. Il s’engage alors dans l’armée, combat dans le Caucase et à Sébastopol pendant la Guerre de Crimée. En 1856, il a déjà écrit trois récits autobiographiques. Puis il entreprend un périple européen et, en admirateur de Rousseau, réside à Clarens, dans le «Village de Julie», du début avril au 18 mai 1857, probablement à la pension Verte Rive.
Le tsar vient de promulguer des réformes prévoyant l’émancipation des serfs. Tolstoï les appuie, fonde une école modèle et devient même juge, sans que son activité d’écrivain ne cesse de s’intensifier. Mais en même temps, son inspiration tourmentée par l’absurdité de la vie le porte peu à peu vers des sujets religieux. Le riche bourgeois qu’il est toujours, même s’il s’habille en paysan, fait scandale en prenant fait et cause pour les moujiks misérables. L’opposition grandit et l’un de ses livres «Résurrection», condamné par le Saint-Synode russe, lui vaudra même l’excommunication. Mais son message généreux se moque des barrières et des condamnations et lui gagne, auprès de la jeunesse russe et européenne, une immense influence. Toujours taraudé par l’envie de mettre en accord ses écrits et sa vie, il tente plusieurs fois d’échapper à sa condition de privilégié. Quand il y parvient enfin, c’est pour mourir sur un quai de gare.
«Voilà plus de trois semaines que je suis arrivé en Suisse et je me sens parfaitement satisfait de mon sort. La vie n’est pas chère, je mène une existence retirée; en ce moment, il fait très beau; j’ai sans cesse devant les yeux la montagne et le Léman azuré, les gens sont d’une simplicité et d’une cordialité extrême (…). (…) aux environs de Genève, à Clarens, dans ce même village où a demeuré la Julie de Rousseau. Je n’essayerai pas de vous dépeindre la beauté de ce pays, surtout à présent que tout est en feuilles et en fleurs. (…) Je passe la plus grande partie de mon temps à regarder et à admirer en me promenant (…). Chose étonnante, j’ai vécu deux mois à Clarens, mais chaque fois que le matin, ou plutôt le soir, avant le dîner, j’ai ouvert les vitres de la fenêtre sur laquelle tombait l’ombre et regardé le lac où se reflétaient les lointaines montagnes bleues, la beauté de ce paysage m’aveuglait et me saisissait d’une force inattendue.» [in «Lettres»]