L’aviateur de renommée mondiale Santos-Dumont a battu en 1906, sur son biplan, le premier record du monde aérien en tenant l’air sur 220 mètres en 21 secondes. Sa «Demoiselle», de 5,10 m d’envergure pour un poids de 50 kg à vide, est «terrifiante de fragilité» mais elle vole… Ensuite, il construisit des dirigeables, planeurs, biplans, monoplans, hélicoptères, hydroglisseur, remonte-pente: tout le passionne. Cartier lui dédie la première montre-bracelet qui ne soit pas un objet de luxe, la célèbre “Santos”. Sa gloire est mondiale et sa ville natale, Palmyria, se débaptise pour adopter son nom.
Mais l’aéronaute souffre d’états d’âme. D’abord en séjour à la clinique Valmont à Glion, il prend logis à la Villa Ribaupierre et y demeure de 1927 à 1932. L’acte notarié du partage de ses biens à sa mort le dit avec élégance: «À Grand Champ sur Glion, qu’il a choisi comme lieu de séjour préféré». Il y achète même un terrain de 3052 m2, car il espère construire un havre de paix; mais il n’en aura pas le temps.
En 1928, un hydravion affrété pour saluer sa visite triomphale à Rio de Janeiro s’abat dans les flots sous ses yeux: il n’y a aucun survivant. L’avion est devenu un engin de guerre et les bombardements aériens dépriment l’aviateur qui, par ses travaux et ses inventions, se sent responsable de tant de malheurs. Quand en 1932 l’armée brésilienne n’entend pas ses appels à la paix et bombarde ses compatriotes révoltés de São Paulo, Santos Dumont s’effondre. Il meurt peu après, sans qu’on sache exactement s’il s’agit d’un accident ou d’un suicide.
Son souvenir est encore vivace chez les vieilles personnes de Glion. De caractère plutôt secret, peu liant, Santos Dumont est aussi dépressif: les honneurs qu’on lui décerne aussi bien en France qu’au Brésil ne lui font pas oublier les accidents trop fréquents.
Ses exécuteurs testamentaires offrirent en 1939 le terrain de Santos-Dumont à la commune de Montreux-Les Planches, qui déclina l’offre, puis au village de Glion, qui accepta et le céda en 1945 à la Société de Développement du village de Glion aux fins d’en faire une place publique dotée d’une fontaine ou d’un monument dédié à l’illustre résident. Ce voeu posthume est réalisé en 1952. A l’angle de la route du village et de celle de la gare se trouve une modeste fontaine surmontée d’un aigle de pierre aux ailes déployées.