Une rencontre à Glion: 9’000 enfants belges sauvés
Belle histoire: la Suisse, neutre et secourable
Elle se lie d’amitié à Glion avec la Reine de Belgique et permet à quelque 9000 enfants belges d’échapper à la guerre.
Mary Widmer-Curtat était l’épouse du docteur Auguste Widmer qui avait fondé la clinique Valmont en 1905 à Glion.
C’est là qu’elle fit la connaissance de la reine Élisabeth de Belgique venue incognito en mai 1913 sous le nom d’emprunt de Comtesse de Réthy.
Leur relation devait rapidement se transformer en amitié et le couple suisse allait être amené à jouer un rôle extraordinaire lorsque la Première Guerre mondiale éclata.
La Belgique avait en effet été presque complètement occupée par les troupes allemandes avant l’hiver 1914 et le roi Albert 1er avait choisi de rester à la tête de ses troupes pour continuer les combats sur l’Yser. La guerre entraînait alors de nombreuses pénuries dans le pays, non seulement à cause de l’occupant allemand et des combats qui duraient dans l’ouest, mais également en raison du blocus naval des Alliés et de la répression très dure contre les dissidents et les «partisans», menée par les Allemands.
L’attaque contre la Belgique, un état neutre à l’instar de la Suisse, avait été ressentie en Romandie comme une trahison. Mary Widmer-Curtat a créé en 1914 «l’Œuvre de secours aux réfugiés belges», aidée par Aloïs de Meuron, Conseiller national et administrateur de la Gazette de Lausanne, journal ouvertement en faveur de la France et de ses alliés.
En mars 1917, faisant peu de cas de la neutralité imposée par le Conseil fédéral, Aloïs de Meuron s’élevait au Conseil national contre les déportations en Allemagne de civils français et belges et prononça un discours remarqué, ajoutant notamment:
«Il faut savoir placer les intérêts moraux au-dessus des intérêts matériels. Et puis, à ceux qui ont peur, nous dirons qu’il ne faut jamais hésiter à remplir un devoir moral de la conscience supérieure quelles qu’en puissent être les conséquences».
Aidée dans son action, Mary Widmer-Curtat allait ainsi diriger, dès le début de la Grande Guerre, une action humanitaire sur l’ensemble du territoire helvétique qu’elle allait maintenir cinq ans durant, se rendant à plusieurs reprises en Belgique auprès du couple royal. Son époux, le docteur Widmer, alla même jusqu’à accompagner en 1915 la reine sur la ligne de front, visite abrégée par le roi Albert qui, inquiet pour la sécurité de son épouse, avait «fait dire à la Reine qu’il est temps de rentrer».
L’organisation suisse permit ainsi à près de 9’000 enfants belges, victimes parmi les plus démunies du conflit, d’échapper aux horreurs de la guerre. Offrant une assistance médicale, matérielle et financière, Mary Widmer-Curtat parvint ainsi à trouver des centaines de familles suisses dans lesquelles placer des enfants rescapés dans l’attente de la fin des hostilités. Ce devait être, assez logiquement, auprès de familles paysannes souffrant moins des restrictions que les habitants des villes, que la plupart de ces enfants trouvèrent refuge au cours de ces années.
Cette activité valut à Mary Widmer-Curtat de nombreux honneurs en Suisse, en Belgique et ailleurs: chevalier de l’Ordre de Léopold puis membre d’honneur de la Société Royale Union Belge-Lausanne, qui la désigna «maman» puis «grand-maman des Belges».
(d’après un texte de Christophe Vuilleumier, historien / Musée National Suisse)