Contes de noël pour enfants

L’écrivain montreusien Luciano Cavallini (qui nous gratifie chaque lundi d’une histoire fantasmagorique dans le blog “Terreurs et Angoisses de Montreux” – il reprendra en janvier) a écrit une série de 6 contes pour enfants, à raconter à vos enfants sans retenue. Nous commençons aujourd’hui. Il y en aura chaque lundi.

Paru le: 14/12/2015

LES HARDVIBLES – CONTE FANTASMAGORIQUE DE NOEL POUR LES ENFANTS DE MYMONTREUX.CH

Voici un joli conte de Noël de l’écrivain montreusien Luciano Cavallini:
LES HARDVIBLES
CONTE FANTASMAGORIQUE DE NOEL
POUR LES ENFANTS DE MYMONTREUX.CH
à Jenny B.
Ce conte original a été diffusé en direct par votre serviteur le 24 décembre 2010 sur les ondes de RadioSuisseFM.CH

Pour prendre toute sa valeur, ce conte doit être lu par les parents à leurs enfants.

La petite Lisette aimait les biscuits à la cannelle. En cette froide nuit de décembre, par la fenêtre de son chalet Père Noël passa par le chemin.
Dans la maison endormie, elle s’était levée toute seule, et s’émerveillait devant la magie du grand arbre scintillant et de tous ces cadeaux étalés attendant la grande fête du lendemain.
Elle en pris encore une, encore une étoile à la cannelle.
Il se mit à neiger, et la petite fille de ses yeux éblouis voyait tomber les flocons soyeux et habiller lentement le balcon d’une belle couverture blanche.
Son corps palpitait, et son petit coeur plus encore.
Elle n’avait pas le droit de rôder ainsi toute seule dans la masure; cependant, elle n’avait pas peur. Il y avait de la lumière, la blancheur de la neige s’infiltrant partout en dissipait les tapis d’ombres.
Lisette attendrait d’ouvrir les cadeaux, mais pas plus longtemps ses amis mystérieux.
Il se passait des drôles de choses en elle, lorsque parmi tous, le petit garçon en culotte de velours rouge, venait près d’elle pour lui baiser la joue.
C’était une découverte, des frissons sur tout le corps, comme s’il y avait des courants d’air.
Seulement voilà, il n’y en avait aucun.
Le sapin immobile gardait la demeure par sa majestueuse présence, tandis que le vieux poêle de pierre dispensait une douce tiédeur un peu partout.

Elle passa par la cuisine.
Les armoires étaient profondes et sentaient le caramel, une odeur mêlée d’un peu de tout et formant ce genre d’arômes caractéristiques.
Les grosses boîtes de café, les paquets de cacao argentés, les pots de confitures et le lourd pain de seigle reposant sa meule sur une grosse planche, tout ceci donnait à cette nuit, un air de conte de fée.
De fée.
Elle se retourna.
Un vague craquement s’élevait du salon.
Puis une étrange lueur inonda le rez-de-chaussée.
Une fille était là.
Pâle.
Elle demeurait juste debout en attente de Dieu sait quoi, les bras ballants.
Son doux visage, ciselé à la plume de cygne, ses grands yeux bleus, les longues lianes de ses bras entourés de soies, tout ceci parut irréel à Lisette.
La fillette ne voyait que ses fins cheveux mouillant son cou, et son air mélancolique, comme perdu en un lieu qu’elle ne connaissait pas.
Ils sont parfois drôles, ses amis invisibles.
 – Où suis-je? Que fais-je ici?
Lisette ne répondit pas.
 – Que se passe-t-il?
La fillette, toujours sans crainte finit par lui demander son nom.
 – Qui es-tu?
 – Je m’appelle Guenièvre… Mais je ne sais pas ce que je fais ici…
 – Moi c’est Lisette, on peut devenir amies, si tu veux!
 – Ben… Je devrais pas être là… Je comprends pas…
 – Je sais pas non plus! C’est moi qui te trouve au milieu de mon salon, et c’est toi qui demandes ce que tu fais là! T’es drôle!
 – Faut que tu m’aides… Lisette…
 – Comment? Comment veux-tu que je t’aide? Je ne sais rien de toi. Ou pas encore…
 – Je sais tout, mais pas pourquoi je suis là!
Lisette s’assit sur le tapis du salon.
Pas une seule fois l’idée lui vint d’avoir peur.
 – Il faut qu’on parle plus bas. Papa et maman vont nous entendre!
 – Ne crains rien pour cela. Ils dorment très fort!
 – T’es sûre ? Certaine? Alors on joue à quoi Geneviève?
 – Guenièvre! Comme le fruit des fées d’Écosse. On joue à retrouver mon chemin!
 – Je connais pas ce jeu, faut que tu m’apprennes…
 Tu veux des étoiles à la cannelle et du thé aux épices?
 – Oh oui! J’ai bien faim et bien soif. Et aussi un peu froid.
 – Mais tu viens d’où Gen… Guenièvre?
 – Je sais pas Liz… Je m’en allais sur le chemin de Veille-aux-Cloches, car le carillon du village devait jouer la Noël aux champs… Et puis…
 – Et puis?
 – Je regardais la neige et les bougies sur les fenêtres. Il y avait maman et sa calèche, et les grosses bêtes chevaux aux falots très gros! Je marchais dans la cour, papa chantait le cantique aux étoiles, on devait parcourir une heure de chemin, avant d’atteindre la petite chapelle du Lys Blanc….
 – Et pis…
 – Ben… je me sentais pas très bien. J’ai dû trop prendre de thé aux épices, comme le tien, mais plus fort, bien plus fort et plus chaud aussi!
 – Je peux te le réchauffer Gen…
 – Non je dis pas ça pour toi!
 – Continue! Viens t’asseoir là, tu vas avoir froid sinon. Attend… Tiens prends cette étoile à la cannelle, c’est tellement bon, tu verras!
 – Merci, t’es gentille. J’ai un petit peu peur…
 – Faut pas… Allez continue ton histoire. Et voici le thé, mais bois lentement.
 – Comme c’est bon! Écout, compris? C’est secret! D’ailleurs les grandes personnes croient jamais en rien! Pourtant dans l’ancien temps tout le monde s’occupait des Hardvibles! On leur laissait des lichées de crème sur les portes de fermes!
 – Les Hardvibles? Tu veux dire… Ces petits lutins des contes de fées qui venaient la nuit faire le travail des hommes? Oh! Genny! Se sont des histoires. Des légendes racontées aux enfants d’Alsace! Nous on y croit plus.
 – Mais tu es une enfant Liz! Comment peux tu ne plus croire à rien, comme les grandes personnes.
 – Papa dit que se sont des légendes.
 – Oh, les papas! En fait… oui et non… Mais il y a quelques années, les Hardvibles ont été moqués, une nuit, par des fermiers qui avaient répandu de la farine au sol afin de voir comment étaient constitués leurs pieds qui ne manqueraient pas de laisser des traces… Ils ont tellement ri, en voyant leurs empreintes, que ceux-ci vexés et peinés des moqueries ont depuis lors quitté le monde des hommes…. Et pour toujours!
 – Non. Se sont les hommes qui ont quitté le leur. Que c’est triste Liz!
 – Les humains sont ainsi faits, qu’ils n’ont que des convictions, mais aucune croyance…
Guenièvre demeura perplexe.
 – On partait à l’Église-aux-Lys, près de la patinoire de Caux, je montais dans la carriole avec maman, c’était bon et chaud. On avançait presque au pas, car le cheval enfonçait dans la neige, et parfois les roues bloquaient… Je me sentais bercée, et maman avait pris sa gourde de thé aux épices, l’odeur envahissait l’espace, tout l’espace. Par la fenêtre, je voyais les rais de lune sur les plaines blanchies, il y avait le bercement de l’attelage, ma tête tournait et puis… Plus rien, je suis ici!
Guenièvre se mit à sangloter….
 – Ne sois pas triste Genny… Tu as un bon coeur.
 – Oh pas tellement! Je suis pas toujours maligne, je me donne bien du tourment!
 – Je sais… Je lis un peu à travers toi, et plus encore dans ton âme. Tu vois ce sapin? Tu vois tous ces cadeaux, sens-tu la bonne chaleur du poêle?
 – C’est bon Liz, mais… je voudrais pouvoir rentrer, tu sais.
 – Attends. Attends encore un peu… Juste un moment, un tout petit instant!
Écoute… Une nuit comme ça, comme celle de Noël, eh bien, elle va pas se présenter deux fois, profites-en pleinement et surtout ne t’inquiète plus, je vais te ramener chez toi, mais… silence! Car si mes parents s’éveillent avant le matin et ne me voient plus dans mon lit, il vont être morts d’angoisse!
 – T’inquiète pas, je te dis, les adultes ne veillent plus et restent sourds aux mystères de la vie. Et puis, cette nuit elle va durer plus longtemps que d’habitude et le matin sera tout court!
 – Tu sais beaucoup de choses!
 – Non. C’est toi qui apprends vite, Liza!
 – Guenièvre… Prends ce biscuit-là, accroché au sapin. C’est une fée qui les a faits l’année dernière.
 – Lizette, les fées ça n’existe pas!
 – Prends-le je te dis ma Genny… Voilà… Comme ça…. Sers-le bien dans tes mains. Surtout ne le lâches pas, compris! Il faut pas le lâcher jusqu’au bout, jusqu’à ce que tu t’en retournes chez toi, c’est bien compris?
 – Et maintenant qu’est-ce qui va m’arriver, dis? Je vais rejoindre papa et maman et le beau carrosse, et entendre la messe aux étoiles dans la petite chapelle du Lys Blanc?
 – Guenièvre… Tu es aimée de tout le monde. Tout le monde veille sur toi, même par-delà les colères et les jalousies, n’oublie jamais ça. Tout le monde t’attendra tout le temps, toute ta vie, et surtout, toutes celles des autres qui ne pensent qu’à toi. Ne tiens pas compte des apparences, oublie-les. Va au-delà de la colline de neige, par delà Crêt-d’y-Bau, plus loin que le cheval et ta diligence. Prends les harnais et dirige ta monture vers tes horizons! Ne laisse pas le cheval s’embourber et sans contrôle, ne sommeille pas comme les mauvais cochers, et prends soin des passagers, c’est promis ? Car c’est toi qui va devoir les conduire les autres années, à la messe de la petite Chapelle du Lys Blanc! Tu seras aussi chargée d’allumer le cierge dans le lampion de givre, puis de surveiller qu’il brûle jusqu’au matin du 25 décembre. C’est important!
 – Oh Lizette! Mais je suis encore bien trop petite pour accomplir tout ça toute seule!
 – Ma petite soeur, écoute-moi bien! C’est quand on est très jeune qu’on apprend le mieux à mener l’attelage, à dompter les bêtes, et prendre soin des voyageurs, sans oublier d’entretenir le carrosse et chaque lanterne! Tu le peux! Maintenant bois encore un thé aux épices bien chaud, et surtout tiens bien fort ta petite étoile à la cannelle dans la main, c’est juré?
 – C’est juré Lizette… Tu sais, je te connais depuis peu, et je sais déjà que je vais m’ennuyer de toi, c’est bête.
 – Guenièvre… Je suis depuis longtemps avec toi, depuis toujours, mais tu ne le savais pas encore. Depuis le soir de ma dernière vie jusqu’au jour suivant, tu étais ma petite soeur. Puis, c’est moi qui possède le flocon de la douleur, celui qui permet de rendre tous les autres immaculés…
Ne crains rien. Ne crains plus rien désormais, tout va bien se passer…

Alors, par la porte béante du chalet, Guenièvre s’en alla comme elle était venue, endormie sereine comme une enfant, dans la calèche de ses parents, l’emmenant à la Messe aux étoiles, vers la petite Chapelle-du-Lys Blanc.
Dans le creux de sa main, elle tenait une étoile d’argile brune…

© Luciano Cavallini, membre de “l’Association vaudoise des écrivains (AVE), “Contes fantasmagoriques de Noël”, “Les Hardvibles” décembre 2015.